Overview
Frontières en tous genres. Un MOOC de géographie politique et culturelle.
Ce cours porte sur les frontières qui, à toutes les échelles, séparent ou plutôt produisent des collectifs sociaux. Il s'agira aussi bien des frontières inter-étatiques qui différencient les nations que de la limite entre l'espace domestique et l'espace public, qui met à part les femmes et les hommes.
Le cours commence par un module qui pose le cadre théorique; il est assuré par l'ensemble de l'équipe pédagogique. Les modules suivants, chacun assuré par un enseignant différent, portent sur des cas et des thèmes spécifiques. Ils sont riches en exemples et se fondent beaucoup sur le commentaire de documents visuels, de toutes sortes. L'évaluation finale porte sur l'analyse d'un extrait de film.
Après avoir suivi ce MOOC, les étudiant.e.s maitriseront les principales théories et concepts de l'approche constructiviste en sciences sociales, et seront à même d'analyser comment, dans diverses situations, l'espace est partie prenante dans la fabrication du même et de l'autre. On leur aura aussi appris par l'exemple différentes méthodes et enjeux de l'analyse de document iconographique en sciences sociales.
Syllabus
- Frontières : concepts et théories
- Ce module constitue une introduction générale aux questions traitées dans ce MOOC. Il présente le thème et l'approche de celui-ci, les principaux concepts et théories qui y sont mobilisés, et les références essentielles en la matière. Tous les enseignants des modules suivants y participent pour parler du constructivisme et de l'essentialisme, de la construction de l'identité et de l'altérité, de l'imaginaire géographique, des dispositifs et des pratiques spatiales, et - bien sûr - de frontières. Les thématiques des modules y sont présentées.
- Frontières du genre
- L’identité masculine et féminine ainsi que les rapports entre les hommes et les femmes sont structurés par une frontière qui sépare l’espace domestique de l’espace public. Les femmes sont assignées symboliquement et matériellement au premier, les hommes au second. Ce module analyse ce « mur porteur » des rapports de genre que constitue la limite entre l’espace domestique et l’espace public. Il débute par un rapide rappel de ce qu’est le genre et la géographie du genre, pour ensuite étudier essentiellement deux configurations socio-spatiales. La première est celle de l’invention de l’espace domestique en Europe au XVIIe siècle : en examinant la peinture hollandaise de l’époque, on voit comment les femmes sont alors assignées à un espace et une fonction domestiques. La seconde est celle de l’espace public aujourd’hui, où les femmes ne sont pas bien venues et où elles subissent divers types de violence. On conclut que la frontière entre l’espace domestique et l’espace public ne sépare pas seulement les hommes des femmes : elle les définit en participant à la (re)production des identités et les rapports de genre. Elle possède une dimension performative.
- La ville, les quartiers et les frontières
- Ce module s’intéresse aux frontières sociales intra-urbaines et constitue une première introduction aux études urbaines. Pour ce faire, il adopte d’abord (Leçon : La grande ville et la naissance d’un souci pour la vie de proximité) un point de vue historique en cherchant à répondre à la question de savoir comment les études urbaines en sont venues à s’intéresser – au tournant du XIXe siècle – à la vie des groupes sociaux dans la grande ville. Car, si la grande ville (en tant que métaphore de la société industrielle) apparaît à certains penseurs des XIXe et XXe siècles comme le lieu d’une mutation profonde, tant du point de vue du lien et du contrat social, les réflexions de Max Weber sur la tension communalisation-sociation vont bien vite conduire les sciences sociales à l’état naissant à s’intéresser à la vie de proximité dans la ville, à ce qu’il reste de la communauté, du village, dans la métropole. La grande ville réarticule des mondes sociaux divers et multiples dans une nouvelle morphologie. Dans un deuxième temps (Leçon : Les communautés dans la ville) ce module se consacre donc à l’explicitation des thèmes investigués par les études urbaines dans leur découverte d’une vie de proximité dans l’univers métropolitain. Ce sont les grandes familles de travaux sur le quartier qui sont alors présentées. La troisième leçon s’intéresse aux « processus créateurs de frontières sociales intra-métropolitaines » au moyen des notions d’agrégation et de ségrégation. L’exemple historique du « ghetto » de Chicago, tel que l’a documenté Louis Wirth, et le cas plus contemporains des agglomérations suisses permet d’illustrer les dynamiques à l’œuvre dans la différenciation sociospatiales, notamment du point de vue des comportements résidentiels et du fonctionnement du marché du logement. Cette leçon s’arrête plus longuement sur les gated communities, à savoir un cas de frontières intra-métropolitaines plus rigides. Ce sont les causes et les conséquences de ces territoires fermés qui sont envisagées, mais aussi leur histoire et les acteurs participant à la circulation de cette forme urbaine. Enfin, trois études de cas (l’auto-agrégation sécuritaire des expatriés, les détournements du mur de séparation entre Israël et les territoires palestiniens, les frontières urbaines de la nuit) permettent d’ouvrir la réflexion sur d’autres formes de limites intra-métropolitaines. S’il existe des processus créateurs de frontières intra-métropolitaines, si la règle voulant que « qui se ressemble s’assemble » paraît être une tendance naturelle du marché immobilier, la question de savoir comment équilibrer le territoire, égaliser l’accès aux différentes aménités paraît pertinente. La leçon 4 (Les limites de la ville : l’action urbanistique entre mixité sociale et durabilité) met ainsi en discussion un des outils les plus utilisés par les acteurs de la fabrique urbaine pour optimiser l’allocation des ressources sur un territoire donné (la mixité sociale) avant de conclure sur les enjeux de la ville durable.
- Frontières communautaires : ethno-régionalismes et apartheids
- Ce module porte sur la tendance universelle à produire ou à contester des frontières au nom du communautarisme et plus particulièrement de la reconnaissance de communautés basées sur l’homogénéité ethnique. Le point de départ est résolument africain tant les débats concernant les frontières sur ce continent permettent de caractériser le paradigme essentialiste ethnique et racial dans lequel s’inscrivent les démarches ethnorégionalistes. En effet, tant la tentative coloniale aboutie à la cartographie exhaustive des ethnies africaines selon une approche exclusiviste et fixiste, que le débat postcolonial sur la nature des frontières africaines et les problèmes que poserait leur origine externe et arbitraire peuvent servir d’analyseur pour mettre en place le cadre conceptuel d’une approche critique de l’ethnorégionalisme et de ses frontières Le module se déploit ensuite en envisageant trois situations ou types de situations qui nous amènent à préciser les arguments, les ressorts et les modalités dans lesquels s’inscrit cette tendance lourde de la géopolitique à différentes échelles et dans différents contextes politiques, géographiques et historiques. Ces situations sont des expériences historiques particulières ou des débats récurrents, il s’agit : • De la politique d’apartheid et de son dépassement, ou comment une politique de systématisation des frontières coloniales entre colons et colonisés peut s’appuyer sur une conception ethnorégionaliste de l’organisation de l’espace et de la création de frontières à toutes les échelles. L’inertie remarquable du système et son statut actuel de référence en matière d’ordre ségrégatif révèle également son caractère prototypique. • Des revendications territoriales ethnorégionalistes en Amérique latine et en Europe, ou comment l’indigénisme en Amérique latine et le régionalisme contemporain en Europe proposent la reconnaissance de frontières avec des arguments essentialistes sur les peuples autochtones couplés à une revendication de réparation historique dans un cas et de nationalisme légitime dans l’autre. La question des frontières y est ainsi vue au prime de "l’essentialisme stratégique" et de " l’égoïsme territorial". • Des pseudos solutions frontalières ethnorégionalistes aux conflits contemporains, notamment en ex Yougoslavie. Les accords de Dayton qui mettent fin au conflit en Bosnie Herzegovine entérinent une approche ethnorégionaliste de la reconnaissance des territoires et des frontières légitimes au prix d’un nettoyage ethnique des lieux cosmopolites notamment urbains. A ce titre, ils posent le problème de l’institution d’un apartheid à des fins de pacification. Il est ainsi possible de revisiter les nombreuses propositions de solutions aux conflits géopolitiques par l’instauration de frontières ethniques avec une grille de lecture critique qui montre les biais des approches essentialistes et ethnorégionalistes. Ce module est donc un voyage à travers des situations géopolitiques et des débats d’échelles et de temporalités différentes, qui éclairent les facettes et les enjeux de la revendication ou de l’instauration de frontières sur des bases ethniques, ce sont les ressorts de l’instauration d’apartheids contemporains dans différents contextes qui sont éclairés.
- Frontières étatiques et identités collectives
- Les frontières inter-étatiques constituent l’archétype de la notion de frontière. Comme toutes les autres, elles partitionnent l’espace géographique et participent du façonnement des sociétés. En cela, elles participent d’imaginaires sociaux de l’espace si l’on entend par là une capacité de l’imaginaire à instituer le social par l’espace. Mais contrairement aux autres, ou davantage que les autres, elles sont institutionnelles; elles sont indissociables des prérogatives étatiques, notamment la fabrication de la loi et sa mise en oeuvre, le périmètre d’application des lois leur correspondant très exactement. Les frontières inter-étatiques agissent donc tout autant comme opérateurs de la territorialité étatique que comme repères des imaginaires nationaux et des pratiques individuelles. Ce module mettra l’accent sur un vaste ensemble de pratiques sociales liées à l’existence des frontières inter-étatiques, allant des formes d’auto-définition des individus et des collectifs concernés aux modalités de franchissement, conformes aux attentes ou transgressives, en passant par la production des formes matérielles (cartes, traités, murs, postes de douane, etc.). Il mettra aussi l’accent sur l’historicité de la notion et la variabilité de ses expressions dans le monde.
- Nature par-delà les frontières
- Le module « Natures par-delà les frontières » propose de penser l’inscription spatiale des catégories de nature en s’appuyant sur un ensemble de dispositifs spatiaux (zoo, parc, station de ski…). Il montre comment, au-delà d’un imaginaire d’une nature sans frontière, des natures sous des formes diverses servent au contraire à tracer des limites, séparer, cloisonner. Le module montre comment la nature est construite par le traçage de frontières : d’une part des limites de catégories sociales (nature / culture ; domestique / sauvage ; ici / ailleurs), mais aussi des frontières spatiales lorsque ces catégories s’inscrivent dans l’espace. Le module montre ensuite comment le paysage est un des principaux vecteurs de cet imaginaire de la nature. A travers l’exemple de la montagne, on voit comment Ie paysage a contribué à la naturalisation du discours sur ces portions de territoire, vouées dès lors à la contemplation, aux loisirs et à des mesures de protection. A travers un ensemble de représentations iconiques du paysage (tableaux, photographies, affiches…) ce module montre comment la nature et le paysage sont à la fois des matériaux de construction et des supports d’expression et de diffusion des identités collectives. L’intervention paysagère in situ est également évoquée pour analyser comment elle peut également servir à mettre en scène le tracé, l’effacement ou la mémoire de la frontière; l’exemple de l’ancienne frontière interallemande est présenté.
- Evaluation finale du MOOC
Taught by
Jean-François Staszak, Juliet Jane Fall, Frederic Giraut, Bernard Debarbieux, Anne Sgard and Laurent Matthey